Manu Causse vient récemment de publier chez Denoël, un très beau premier roman la 2 CV verte. Un roman sensible, complètement habité par ses personnages autour du thème de l’autisme. Manu Causse s’empare de ce sujet pour dérouler toutes les réactions que peut ressentir l’entourage immédiat d’un enfant autiste. Afin de porter ce thème, il nous présente un road movie où père et fils se retrouvent le temps d’une virée salvatrice. Découvrez notre interview !
© crédit photo Laurent Schteiner
Comment avez-vous eu l’idée de ce roman ?
Il n’a pas commencé comme un roman, mais comme un scénario de bande dessinée. J’ai croisé le dessinateur Thierry Murat dans un salon du livre, j’ai beaucoup aimé son travail, et j’ai eu envie de lui proposer un projet.
Sur le même salon, il y avait un bassin avec des carpes, et un petit garçon qui les regardait. Il était triste, je l’ai vu – et tout s’est peu à peu enchaîné. Je lui ai imaginé une histoire, avec un père absent et une 2 cv en vadrouille.
Le projet de bédé est tombé à l’eau, mais l’idée m’est restée jusqu’au moment où je me suis lancé dans l’écriture de la première scène. Alors, je me suis rendu compte que j’avais pêché un roman. Je n’avais plus qu’à remonter le fil.
Avez-vous travaillé avec des autistes ?
Non. C’est un simplement un thème qui me passionne depuis très longtemps – depuis que mon prof de philo, en terminale, m’a poussé à m’y intéresser. Il rejoint la folie en général, au centre de romans qui m’ont beaucoup marqué comme le Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes de Robert Pirsig ou l’Enfant Bleu d’Henri Bauchau.
Avez-vous voulu à travers ce roman mettre l’accent sur les difficultés que rencontrent les parents d’autistes ?J’ai tenté de transmettre des impressions de parent face à des formes de pensée institutionnelles qui finissent par effacer l’individu. Eric, le père d’Isaac, décide de l’enlever son fils du centre où il est placé quand on lui interdit de le rencontrer ailleurs, soi-disant dans l’intérêt de l’enfant – en réalité, pour faciliter le fonctionnement de l’institution. Pour simplifier ce qui ne peut pas l’être.
Même si je me suis peu à peu documenté sur les problèmes spécifiques des parents d’enfants autistes, j’ai souvent l’impression que, toutes proportions gardées, chaque parent vit ça à un moment ou un autre.
De façon plus générale, j’ai voulu évoquer la différence fondamentale entre soi et l’autre, nulle part plus marquée que dans la relation filiale. Mon enfant sort littéralement de moi pour devenir un Autre incompréhensible, hors de ma portée, et qui s’en éloigne toujours davantage. J’ai simplement pris comme point de départ un éloignement encore plus radical : l’incapacité à communiquer.
Pourquoi avoir voulu mettre une note fantastique dans ce roman (le vieux et l’Enigme notamment) ?
Eric est hanté par son passé – il se sent responsable de la mort de ses propres parents et de l’état de son fils. Mais je n’avais pas envie de rendre compte de son état psychologique (une démarche que j’ai déjà tentée dans un roman intitulé L’eau des rêves). Je voulais la donner à voir, à vivre. C’est comme ça que sont apparus le fantôme du Vieux et le chaton menaçant – ils accompagnent le père, peut-être comme nos propres démons nous soufflent toujours à l’oreille.
Ce roman est-il le fruit de votre expérience d’enseignant où vous avez été confronté à des situations parfois complexes ?
Pas réellement – peut-être parce que j’ai eu la chance de ne rencontrer que des situations simples (ou que des situations complexes ?) En fait, je crois que l’intrigue a plutôt surgi des années qui ont suivi mon départ de l’enseignement et mon divorce, quand je me suis trouvé, en tant que parent, de l’autre côté de la barrière.
Tous les personnages de cet ouvrage sont atypiques, pourquoi un tel parti pris d’écriture ?
Peut-être qu’ils sont tous un peu cinglés, comme ceux qui sont morts et semblent s’en ficher. N’empêche, je ne les trouve pas vraiment atypiques. Un couple séparé, un enfant, la famille, un gendarme, une jeune fille… ce sont des gens de tous les jours, et en partie des portraits de personnes que connais. En fait, il n’y a pas vraiment de parti pris – c’est juste que le roman s’est écrit comme ça, et je l’ai laissé faire.
La 2 CV verte de Manu CAUSSE
publié aux Editions Denoël
Prix : 18 € – ISBN : 978-2207131749 – Parution : 10 mars 2016 – 304 pages
Isaac est un petit garçon vide. Il a un corps, des yeux, mais à l’intérieur, rien. Parfois seulement, il hurle. Depuis sa naissance, ses parents se sont lentement détruits, à coups d’amertume et de culpabilité. Le père, Eric Dubon, est épuisé et désemparé. Mais lorsque, à la mort de son oncle, il hérite d’une vieille 2CV, tout s’emballe. Au volant de la petite voiture, il décide de retirer son fils de la clinique où il est gardé, puis de s’échapper. Entourés de fantômes et de vieux souvenirs, les deux fugitifs se lancent alors dans un étrange voyage. Mais quel est vraiment le passé d’Eric Dubon, et que compte-t-il faire de son fils ? Aidés par une adolescente lunatique, traqués par un gendarme amateur de champignons et accompagnés par un chaton bavard et arrogant, le père et son fils poursuivent leur route, et nous plongent dans un conte initiatique envoûtant. L’étrange balade à bord de la 2CV verte promet d’être mouvementée. A travers La 2CV verte, Manu Causse se penche sur les relations père-fils et les secrets de famille, et aborde le thème de la culpabilité, de l’expiation, et de la façon dont nous pouvons surmonter les drames. Un récit touchant, porté par des personnages atypiques et attachants.