Les Editions Pocket vont prochainement publier Le Gang des rêves de Luca di Fulvio. Véritable phénomène littéraire en Allemagne puisque cet ouvrage s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, il sera désormais disponible en France. Cet ouvrage que l’on dévore d’un bout à l’autre est une belle surprise en nous plongeant dans les années 20 à New York à travers le regard d’un immigré italien. A noter également la publication de son dernier ouvrage Les enfants de Venise paru aux Editions Slatkine. Découvrez notre interview avec son auteur, Luca di Fulvio !
Prix : 9,30 € – ISBN : 9782266272438 – Parution : 4 mai 2017 -864 pages
Traduit par Elsa DAMIEN
New York ! En ces tumultueuses années 1920, pour des milliers d’Européens, la ville est synonyme de « rêve américain ». C’est le cas pour Cetta Luminata, une Italienne qui, du haut de son jeune âge, compte bien se tailler une place au soleil avec Christmas, son fils. Dans une cité en plein essor où la radio débute à peine et le cinéma se met à parler, Christmas grandit entre gangs adverses, violence et pauvreté, avec ses rêves et sa gouaille comme planche de salut. L’espoir d’une nouvelle existence s’esquisse lorsqu’il rencontre la belle et riche Ruth. Et si, à ses côtés, Christmas trouvait la liberté, et dans ses bras, l’amour ?
Bonjour Luca di Fulvio, Les Editions Pocket vont publier le 4 mai Le gang des rêves et le même jour les Editions Slatkine vont publier Les enfants de Venise.
Etes-vous étonné que le succès du Gang des rêves se soit dessiné plus tardivement en France ?
Le succès est une question de chance. On ne sait jamais pourquoi le succès arrive de cette manière ou d’une autre. A l’époque où on était friand de polars, l’un de mes premiers livres a été traduit et publié chez Albin-Michel. Mais il n’a pas été un succès. C’est pour cela que les éditeurs n’ont pas eu d’intérêt pour un auteur qui n’avait pas eu de succès au départ. Mais pour expliquer mon succès tardif en France, il y a un monsieur qui s’appelle Henri Beauvais (Directeur des éditions Slatkine) qui a décidé de me faire confiance. C’est cela d’être un auteur.
Quand même un million d’exemplaires vendus en Allemagne, ce n’est pas rien…et en France rien. D’où ma surprise et cette question.
J’ai vraiment été connu en Allemagne où mon succès a démarré. Mon éditeur allemand publie d’abord en Allemagne et revend les ouvrages en suite en Italie, qui est par le fait un pays étranger. Mais cela reste tout de même l’Europe. La réalité dépasse souvent les romans !
Donc si j’ai bien compris, il ne s’agit pas d’une trilogie.
Exact. Il s’agit d’une erreur de communication. Ces 3 livres sont des livres de formations. Le thème commun est le fait de rêver à une vie différente et meilleure que la société nous a imposé au départ.
Sur quels documents avez-vous travaillé pour fournir autant de détails précis ?
Les américains sont de grands archivistes et lorsqu’on allait sur leurs bases de données on pouvait retrouver telle rue en 1910, en 1920, en 1930. Puis je me suis fait une idée de New York, un peu comme dans le film Gangs of New York qui se déroule à la fin du XIXe siècle. Il y a aussi un livre (je ne sais pas s’il a été traduit en France) écrit par Rich Cohen, Tough Jews qui racontait si bien cette époque. Je me suis rendu compte qu’en tant qu’auteur j’arrivais mieux à faire des recherches et en tirer quelque chose quand je travaillais sur un roman que sur un essai. Parce que les essais parlent du général et les romans parlent du soldat. C’est la vraie vie. Parce qu’un romancier va raconter l’odeur, la sensation, la couleur du tissu.
Le lecteur retient davantage les détails du romancier que ceux d’un historien.
Il y a un très bel essai d’Antony Burgess sur Shakespeare dans lequel il répond très simplement à la question : Shakespeare était peut-être Francis Bacon parce qu’il parlait trop bien des avocats. Et Burgess répond « les historiens ne savent pas écrire. » Shakespeare est le plus grand écrivain du monde. Il s’est assis dans un petit recoin d’un cabinet d’avocats pendant une demi-heure. Il a appris 2 ou 3 mots. Et après il a créé des avocats extraordinaires.
Pourquoi avoir voulu écrire sur cette période ?
Parce c’était là à ce moment que tout se passait. S’il s’agissait de la fin du XIXe siècle, j’aurais choisi Paris.
J’ai pu noter dans le roman que juifs et italiens étaient considérés de la même manière.
Les juifs venaient à cette époque de l’est. Les juifs de l’ouest, principalement ceux d’Allemagne étaient riches et ne sont pas venus. Les Juifs de l’est sont venus car ils étaient pauvres et on les confondait aisément avec les italiens qui étaient aussi pauvres. Parmi ces deux communautés, beaucoup étaient des gangsters. Une chose étrange l’un des gangsters à cette période s’appelait Louis « Lepke » Buchalter. Mon dentiste s’appelle aussi Andrea Buchalter ! Quand j’ai écrit mon roman, j’ai demandé à mon dentiste s’il avait quelque chose à voir avec son célèbre homonyme. Il m’a répondu « mon grand-père avait un frère qui était le père de ce grand maffieux Les deux frères avaient quitté la Pologne. Mon grand-père s’est arrêté à Paris. Et l’autre est parti à New York. » J’ai dit à Andrea « il vaut mieux que j’arrête de te fréquenter ! ». Il m’a répondu « non, c’est trop tard, tu sais trop de choses ! »
Avez-vous été contacté pour vendre vos droits du gang des rêves au cinéma ?
La première fois que j’ai été contacté, je n’avais pas fini de l’écrire. Mais je me suis vite disputé. C’était un réalisateur italien qui avait eu du succès aux Etats-Unis. Maintenant, l’idée ce serait plutôt de l’adapter à la télévision. Parce que la télévision est plus libre. A un époque c’était l’inverse.
Vous êtes également un homme de théâtre. Quelles ont été les influences du théâtre sur votre écriture ?
Je dirais les dialogues parce qu’il faut pouvoir les dire. Parce je dis des dialogues et je me dis « mon Dieu, mais personne ne parle de cette manière. Et ce serait impossible de les déclamer. Et la deuxième chose que je retiens du théâtre que même la prose devait pouvoir être lu à haute voix. Si vous arrivez à la dire à haute voix, c’est que la prose est bonne. Et j’ai eu de la chance lorsque je me trouvais à l’académie car mon professeur de réalisation était Andrea Camilleri qui à l’époque n’écrivait pas encore mais il m’a communiqué quelque chose de particulier.
Pensez-vous que les problématiques de l’identité, la condition de la femme, le racisme ou encore l’incommunicabilité sociale présentes dans vos romans se posent toujours dans les mêmes termes à notre époque ?
J’essaye d’écrire des livres dans le passé mais qui ont toujours un impact avec le monde d’aujourd’hui. On vit dans un monde où l’intégration n’existe pas. Le racisme continue même intellectuel, sexuel. La marginalisation, personne ne s’en occupe, aucun homme politique ne s’en occupe. Personne n’essaye d’intégrer l’être humain dans une communauté.
Ce sont les principaux maux de notre société ?
Oui, en 1977, j’avais 20 ans et dans ces années un jeune homme de 20 ans était persuadé de changer le monde ou une influence. Aujourd’hui je crois que les jeunes n’ont plus cette possibilité. Le monde qu’on leur a laissé ne leur permette pas de s’exprimer et d’avoir cette capacité à rêver. C’est pourquoi il écrit sur les rêves.
Ce qui m’a fasciné, c’est le réalisme dans votre’écriture. Selon moi, c’est ce qui caractérise ce phénomène de « page turner ». Qu’en pensez-vous ?
Le réalisme est une chance dont les sens sont beaucoup développés. Avant j’étais un garçon timide qui observait et ne parlait pas. Mais tout le travail est fait par le lecteur qui transforme les mots en quelque chose de passionnant. C’est la vérité.
Propos recueillis par Laurent Schteiner